Toxicomanie IV : une expérience d’éducation par les pairs pour réduire le risque infectieux

Medescape.fr - 4 août 2014

Melbourne, Australie – C'est une première mondiale qu'ont présenté l'association AIDES, Médecins du monde et l'Inserm U912, lors de la 20e Conférence internationale sur le sida, organisée par l'International Aids Society (IAS) à Melbourne, le 24 juillet dernier : les résultats d'une étude d'accompagnement et d'éducation aux risques liés à l'injection (AERLI), qui démontrent une baisse significative des pratiques à risque de transmission du VIH et du virus de l'hépatite
C (VHC) [1].

AERLI a évalué une expérience innovante, à savoir l'impact de sessions individuelles d'accompagnement et d'éducation à l'injection de drogues, à destination d'usagers. Ces sessions étaient délivrées par des pairs.

(Un contexte polémique : AERLI a été menée au moment où la polémique sur l'ouverture, ou non, de salles de consommation de drogues à moindre risque, appelées communément salles de shoot, enflait. Néanmoins, « au milieu du tintamarre politique et médiatique sur les salles d'injection à moindre risque à Paris, nous avons été soutenus pour faire notre travail de recherche. La Direction générale de la santé (DGS), les Agences régionales de santé (ARS) étaient prévenues mais n'ont pas entravé la recherche », a cependant relevé Jean-Marie Le Gall, responsable de la mission Recherche et Innovation à AIDES.)

Le Conseil national de l'Ordre des médecins et l'Académie de médecine avaient fait part de leur opposition à ce projet. In fine, c'est le Conseil d'Etat qui s'est opposé à l'ouverture d'une première salle de shoot dans le 10e arrondissement parisien, en novembre 2013. Marisol Touraine a par ailleurs annoncé que sa future loi de santé devrait autoriser l'ouverture de salles de shoot.

Lors de leur présentation, les auteurs de cette étude ont rappelé que, si les politiques de réduction de transmission du HIV chez les personnes qui s'injectent de la drogue (PWID) avaient obtenu des résultats (-1% de nouveaux cas de HIV diagnostiqués en 2012 chez les PWID), de nombreuses complications persistaient : forte prévalence du VHC (près de 60 % des usagers de drogues par voie intraveineuse infectés), complications cardio-vasculaires et pulmonaires, dermatologiques... À cette fin, AERLI a mesuré l'impact des sessions d'éducation par des pairs sur les pratiques d'injection intraveineuse, et sur les risques associés à l'injection, notamment l'infection à HIV et VHC.

Diminution de 43% des pratiques à risque de transmission du VHC

Au total, 127 usagers de drogues ont été recrutés dans 8 Centres d'Accueil et d'Accompagnement à la Réduction des risques pour les Usagers de Drogue (Caarud) pour faire partie du groupe témoin, tandis que 113 usagers, recrutés dans 9 autres Caarud, recevaient parallèlement 288 sessions de formation dispensés par des pairs.

Les usagers présentaient le même profil : plus de 18 ans, ayant pratiqué au moins une injection de drogue la semaine qui précédait l'inclusion dans l'essai. Les usagers, quels que soient leurs groupes, ont été interrogés à trois reprises, lors de leur inclusion, six mois plus tard et douze mois plus tard, à la fin de l'étude AERLI.

Les résultats collectés sont surprenants. Il a, en effet, été constaté une « diminution de 43% des pratiques à risque de transmission du VHC (44% des consommateurs déclarant au moins une pratique à risque avant l'intervention contre 25% 6 mois après) ; une diminution de 41% des complications au site d'injection (66% des consommateurs déclarant des complications avant l'intervention contre 39% 12 mois après) ».

« Les résultats de cette étude montrent un effet majeur de l'éducation par les pairs sur les pratiques à risque de transmission infectieuse », explique Patrizia Carreri, chercheuse à l'Inserm et auteur de cette étude.

1. Carrieri P, Le Gall JM, Debrus M, Demoulin B, et coll. Innovative peer-to-peer educational intervention to reduce HIV and other blood-borne infection risks in difficult–to-reach people who inject drugs: results from the ANRS AERLI study. 20th international AIDS Conference, Melbourne, 20-25 juillet 2014, abstract n° THAC0403.

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