L’abus d’alcool vers 30 à 40 ans altère la mémoire des années après

Medescape.fr - 5 août 2014

Exeter, Royaume-Uni – Les problèmes d'alcool entre 30 et 40 ans augmentent significativement le risque de pertes de mémoire sévères plus tard dans la vie, selon une étude publiée en ligne dans l'American Journal of Geriatric Psychiatry [1].
Le risque serait plus que doublé 20 ans plus tard.
Cette relation ne semble pas médiée par l'hypertension, les antécédents de maladies cardiovasculaires ou les traumatismes crâniens, indiquent les auteurs, le Pr Iain A. Lang et coll. (University of Exeter Medical School, Royaume-Uni).


Une nouvelle pièce au puzzle

Ce n'est pas la première fois qu'une étude met en exergue le lien entre l'alcoolo-dépendance et la démence ou les troubles cognitifs. Mais, ici, pour la première fois, l'étude s'est intéressée à l'association entre les deux sur le long terme.

« Nous savons déjà qu'il existe une association entre le risque démence et le niveau de consommation [chez les personnes plus âgées]. Mais, ce n'est qu'une partie du puzzle et nous avons peu de données sur les conséquences à long terme des problèmes d'alcool survenant plus tôt dans la vie », commente le Pr Lang.

L'étude a enrôlé 6542 adultes nés entre 1931 et 1941, tous participants à l'étude prospective Health and Retirement Study (cohorte représentative de la population des Etats-Unis).

Ils ont fait l'objet d'un premier examen de l'alcoolo-dépendance en 1992 (entre 30 et 40 ans) et les évaluations cognitives ont été menées bi-annuellement entre 1996 et 2010.

L'historique des problèmes d'alcoolo-dépendance a été établi grâce au questionnaire CAGE (4-item modified Cut down, Annoyed, Guilty, Eye-opener) qui inclus les questions suivantes :

- Avez-vous déjà senti que vous devriez ralentir votre consommation d'alcool ?

- Est-ce que des personnes vous ont déjà ennuyé en critiquant votre façon de boire ?

- Vous êtes-vous déjà senti mal ou coupable concernant votre consommation d'alcool ?

- Avez-vous déjà débuté votre journée par une boisson alcoolisée pour vous déstresser ou pour vous dégriser suite à une soirée arrosée ?

L'examen cognitif s'est appuyé sur le « Telephone Interview for Cognitive Status » composé de 35 questions. Les troubles cognitifs sévères étaient définis par un score inférieur à 8 et les troubles de la mémoire sévères par un score inférieur à 1 à la question 20 de la sous-section concernant la mémoire.

Pendant la période de suivi de 19 ans (moyenne 16,7 ans, DS : 3; 3,5 à 19,1 ans), 90 participants ont été victimes de troubles cognitifs sévères et 74 d'importants troubles de la mémoire.

Les antécédents de problèmes d'alcool étaient associés à un doublement des troubles sévères de la mémoire (RR=2,21 ; IC 95%[1,27-3,85] ; p=0,01). En outre, l'association entre les problèmes d'alcool et les troubles cognitifs sévères était non significative mais la tendance était similaire (RR=1,8 ; [0,97-3,33] ; p=0,06).

« Ces résultats [...] suggèrent trois choses : qu'il s'agit d'un problème de santé publique qui doit être pris en compte ; qu'il est nécessaire de mener de nouvelles recherches sur les conséquences de l'abus d'alcool tout au long de la vie et que le questionnaire CAGE peut aider les praticiens à identifier les personnes à risque de troubles cognitifs et de la mémoire qui pourraient bénéficier d'une aide pour leur problème d'alcool », indique le Pr Lang.

Dans un commentaire, le Pr Doug Brown (Alzheimer's Society, Royaume-Uni) souligne que les média concentrent souvent leur attention sur les dangers de la consommation excessive d'alcool chez les jeunes mais que cette étude montre bien que l'abus d'alcool est nocif à tout âge.« Il ne s'agit pas de dire aux gens de s'abstenir de boire. Tout comme avoir un régime alimentaire équilibré, ne pas fumer et faire attention à son poids, un verre de bon vin rouge peut même réduire le risque de développer une démence », ajoute-t-il.


1. Kuzma E, Llewelling D, Langa K, Lang L. Wallace R. History of alcohol use disorders and risk of severe cognitive impairment: A nineteen-year prospective cohort study. Am J Geriatr Psychiatry . Publié en ligne le 30 juillet.

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