Première comparaison directe E-cigarette, substituts nicotiniques et tabac

Medscape France - 14 février 2017

Aude Lecrubier

Londres, New York — La première comparaison directe des taux de métabolites nicotiniques, de carcinogènes et de toxines chez des vapoteurs versus des utilisateurs de substituts nicotiniques classiques versus des fumeurs vient d’être publiée dans les Annals of Internal Medicine [1].
A long terme, les cigarettes électroniques seraient aussi sures que les substituts nicotiniques vendus en pharmacie et bien moins nocives que le tabac.

D’après ces nouvelles données, les anciens fumeurs qui utilisent des e-cigarettes ou des substituts nicotiniques sont beaucoup moins exposés aux carcinogènes et aux toxines que ceux qui continuent à fumer.
En outre, les e-cigarettes ne délivrent pas plus de produits toxiques que les substitutifs nicotiniques plus classiques comme les patchs.

Ces résultats sont un rappel criant du manque de données scientifiques solides concernant l’évaluation de la e-cigarette par rapport au tabac.

Mêmes taux de nicotine dans les urines mais moins de carcinogènes.


Dans l’étude, les investigateurs, le Pr Lion Shahab (Collège universitaire de Londres, Royaume-Uni) et coll. ont séparé les participants en cinq groupes :

1) fumeurs de cigarette seulement (n=37) ;

2) anciens fumeurs devenus vapoteurs depuis au moins 6 mois (n=36) ;

3) anciens fumeurs utilisant des substituts nicotiniques classiques pendant au moins 6 mois (n=36) ;

4) fumeurs et vapoteurs (n=36) ;

5) fumeurs utilisant des substituts nicotiniques (n=36).

Ils ont ensuite mesuré dans des échantillons d’urine et de salive les concentrations de nitrosamines spécifiques du tabac (NAST), notamment celles du carcinogène 4 (méthylnitrosamino) 1 (3 pyridyl) 1 butanol ou NNAL et différents métabolites de composés organiques volatiles (COV). Les NAST et les COV sont des carcinogènes biens connus de la cigarette.

Globalement, les anciens fumeurs devenus vapoteurs ou utilisateurs de substituts nicotiniques avaient des niveaux de NNAL moindres que les fumeurs (utilisant ou non des e-cigarettes ou des substituts nicotiniques dans le même temps) (p<0 br="">
Les anciens fumeurs désormais vapoteurs avaient des concentrations de NNAL 97 % fois moindre que les fumeurs. Les résultats étaient similaires pour les autres NATS bien que dans des proportions moindres.

De même, sur les cinq groupes, les taux urinaires des principaux métabolites de VOC étaient les plus bas chez les anciens fumeurs devenus vapoteurs suivis de près par les anciens fumeurs utilisant des substituts nicotiniques classiques (p<0 br="">
En revanche, les personnes qui fumaient juste des cigarettes, celles qui étaient à la fois fumeuses et qui vapotaient et celles qui fumaient et qui utilisaient des substituts nicotiniques classiques de façon concomitante avaient des concentrations de métabolites de VOC urinaires très similaires.

Concernant les taux de nicotine détectés dans les urines, ils étaient proches dans tous les groupes. « Cette observation semble confirmer que les utilisateurs de tous ces produits cherchent un certain niveau d’apports nicotiniques, quel que soit le système de délivrance et qu’ils ajustent l’utilisation du produit de façon à être satisfaits », notent les chercheurs.

Une étude de plus en faveur du sevrage tabagique par la e-cigarette


Pour les auteurs, les faibles taux de carcinogènes et de toxines détectés chez les anciens fumeurs devenus vapoteurs ou utilisateurs de substituts nicotiniques confirment que la substitution nicotinique à long terme est sure.

Ils montrent également que les liquides et les aérosols contenus dans les cigarettes électroniques ne sont pas cancérigènes, ce qui devrait balayer les inquiétudes sur l’exposition à long terme aux cigarettes électroniques.

« Étant donné le rôle joué par les NATS et les COV dans le cancer, les maladies cardiovasculaires et les maladies pulmonaires, nos résultats suggèrent que la substitution complète de la cigarette par la e-cigarette devrait réduire le risque de maladies », concluent les auteurs.

Interrogé par l’édition anglaise de Medscape, le Pr David Nutt (Collège impérial de Londres, Royaume-Uni) qui n’a pas participé à l’étude confirme que cette étude devrait lever les suspicions sur la toxicité de la e-cigarette.

« Je dois dire que ces données ne sont absolument pas surprenantes. Vue la composition des e-cigarettes, elles ne pouvaient pas être aussi dangereuses que ce qui avait été dit auparavant, » explique-t-il. « Cette étude montre juste que dans la vraie vie, les gens qui disent que la cigarette électronique est moins dangereuse que la cigarette ont raison : il faut être dingue pour penser que la e-cigarette peut produire autant de toxines que le tabac », ajoute-il.

Il souligne également que jusqu’ici les études qui ont mis en évidence des effets toxiques de la cigarette électronique n’ont pas été réalisées avec les bons contrôles, à savoir des fumeurs.

« Quand vos sujets contrôles sont des fumeurs, comme dans cette étude, vous montrez que les e-cigarettes sont largement plus sures que le tabac, comme vous l’auriez imaginé. »

Cette nouvelle étude pourra-t-elle infléchir la position de l’OMS qui estime seulement « vraisemblable » cette moindre toxicité ? Pour rappel, d’après un rapport publié en novembre 2016 par l’agence internationale : « aucune affirmation quantifiant la diminution du risque par rapport au tabac n’a la moindre crédibilité scientifique aujourd’hui ».

Le Dr Shahab a reçu des financements de Cancer Research UK et des bourses de Pfizer pour des études sur le sevrage tabagique. Il rapporte également avoir perçu des honoraires d’Atlantis Health Care. Le Dr Nutt est conseillé pour Lundbeck, MSD, Nalpharm, Orexigen, Shire, MSD, Opiant, et Sunovion et a reçu des honoraires BMS/Otsuka, GSK, Lilly, Janssen, Servier, AZ, et Pfizer. Le Dr Nutt a également reçu des bourses de P1vital, MRC, NHS, et Lundbeck, et a des parts dans P1vital. Il est directeur d’Equasy Enterprises et de Greenlight.
 
REFERENCE:
1. Shahab L. et coll. Nicotine, Carcinogen, and Toxin Exposure in Long-Term E-Cigarette and Nicotine Replacement Therapy Users: A Cross-sectional Study. Ann Intern Med. Publié en ligne le 7 février 2017.

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