Fumer provoque aussi… le diabète

Medscape France - 18 septembre 2015

Wuhan , Chine - Fumer provoque des cancers, des BPCO et des maladies cardiovasculaires mais aussi, dans une moindre mesure, des diabètes de type 2, selon une nouvelle méta-analyse colligeant les données de 88 études sur près de 6 millions de personnes [1].
La méta-analyse publiée dans le Lancet Diabetes & Endocrinology montre que le tabagisme, à la fois actif et passif, augmente le risque de développer un diabète de type 2 de respectivement 37% et 22%. A l'inverse, le risque diminue d'autant plus que l'arrêt du tabac est ancien [1].
Depuis plus d'une vingtaine d'années, de nombreuses études ont montré que le tabagisme était associé à la fois à une augmentation des complications chez les diabétiques mais aussi à un risque accru de développer la maladie. 

En 2007, une méta-analyse de 25 études publiée dans le JAMA, estimait déjà le risque relatif de diabète chez les fumeurs à 1,44 après ajustement sur l'hétérogénéité et les facteurs confondants [2].

Un sur-risque aussi chez les fumeurs « passifs »

La revue de la littérature du Pr An Pan (School of Public Health, Tongji Medical College, Huazhong University of Science and Technology, Wuhan, Chine) et coll. a rassemblé 88 études prospectives colligeant les données de près de 6 millions de personnes, soit 295 446 cas incidents.

D'après la méta-analyse, comparés aux individus n'ayant jamais fumé, les fumeurs avaient un sur-risque de diabète de type 2 de 37% (84 études), les anciens fumeurs de +14% (47 études) et les fumeurs  passifs de +22%  (7 études).

Les associations persistaient dans tous les sous-groupes et une relation dose-réponse a été retrouvée entre la quantité de tabac consommée et le risque de diabète de type 2 : + 21 % chez les petits fumeurs,  + 34% chez les fumeurs «modérés» et + 57% chez les grands fumeurs.

Le tabac responsable d'un diabète sur 10 chez les hommes ?

Les auteurs estiment que, s'il existe une relation causale entre le tabagisme et le diabète, 11,7% des cas de diabètes chez les hommes et 2,4% des diabètes chez les femmes (approximativement 27,8 millions de cas au total) sont attribuables au tabagisme actif dans le monde. Une proportion qui pourrait s’avérer bien plus élevée dans les populations ou la prévalence du tabagisme est très élevée comme en Chine.

Enfin, le sur-risque de diabète chez les personnes ayant récemment arrêté de fumer (depuis moins de 5 ans) était de 54%. Il était de 18% chez les personnes qui avaient arrêté entre 5 et 10 ans auparavant et de 11% chez ceux qui avaient arrêté le tabac depuis plus de 10 ans.

Concernant le tabagisme passif  «nos  données mettent en exergue l'importance de l'adoption et du renforcement de la législation anti-tabac pour réduire le nombre de personnes exposées au tabagisme passif », indiquent les auteurs.

Quels mécanismes ?

La stimulation sympathique associée au tabagisme actif contribue à la résistance à l'insuline et à l'accumulation de la graisse abdominale qui agit, elle aussi, sur la résistance à l'insuline, deux mécanismes peuvant contribuer au risque accru de syndrome métabolique et de diabète 2.

On peut être surpris par l'existence d'un risque accru de diabète alors qu'on sait, depuis les années 80, que les fumeurs ont un IMC largement inférieur aux non-fumeurs.

Toutefois, il semble que les fumeurs actifs ont un rapport taille/hanche augmenté par rapport aux ex-fumeurs et a ceux qui n'ont jamais fumé.

« Si le tabagisme augmente le périmètre abdominal, c'est peut-être un facteur de risque cardiovasculaire indirect. L'adiposité abdominale serait alors au cœur du problème » avançait déjà le Dr Ivan Berlin expert en pharmacologie clinique du tabac (Inserm U 894, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris) lors d’une session consacrée au tabac du Printemps de la Cardiologie de 2010.

Une version confirmée par les auteurs de la nouvelle méta-analyse et par les éditorialistes [3].

En revanche, les auteurs précisent que les mécanismes sous-jacents l’augmentation du risque de diabète à court terme chez les personnes ayant récemment arrêté de fumer (+54%) ne semblent pas corrélés à la prise de poids. Ils doivent encore être élucidés.

Dans l’éditorial accompagnant l’article [3], le Pr Naveed Sattar (Université de Glasgow, Royaume-Uni) et coll. concluent : «Les patients fumeurs devraient aussi être informés que l’arrêt du tabac et l’abstinence à long terme ne vont pas seulement abaisser leur risque cardiovasculaire ou de cancer mais probablement aussi, dans le temps, leur risque de diabète. Bien sûr, convaincre les gens de ne jamais fumer serait encore mieux et de ce point de vue, les messages de santé publique devraient peut être ajouter le diabète à leur liste des effets nocifs du tabac.»
Aude Lecrubier - Auteurs et déclarations

Les auteurs n’ont pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet.

REFERENCES
1.Pan A, Wang Y, Talaei M et coll.. Relation of active, passive, and quitting smoking with incident type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis. The Lancet Diabetes & Endocrinology. Publié en ligne. 18 septembre 2015.
2.C Willi, Bodenmann P, Ghali WA. Active smoking and the risk of type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2007;298 :2654-64.
3. Sattar N., Sorensen T., Taylor A.,Morris R, Munafò M. Smoking and diabetes risk: building a causal case with clinical implications. The Lancet Diabetes & Endocrinology. Editorial publié en ligne. 18 septembre 2015.

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