Hépatite C : l’arrivée du premier TROD ravive la question de l’accès au traitement

Medscape - 27 avril 2016

Stéphanie Lavaud - Lire l'article en ligne

Paris, France – Alors que les tests d’orientation et de diagnostic rapide (TROD) du VIH sont disponibles depuis 2010, ceux destinés à dépister l’hépatite C arrivent seulement aujourd’hui sur le marché français. Le premier TROD VHC devrait être disponible en mai prochain. L’objectif est de renforcer le dépistage de l'hépatite C, et ce d’autant que les nouveaux antiviraux à action directe (AAD) ont révolutionné le traitement de la maladie. Reste que de nombreux patients n’auront pas accès à ces nouveaux traitements hyper efficaces mais dont les indications de remboursement restent très limitées et le coût prohibitif.

TOYO®, le premier TROD du VHC
TOYO®, distribué par le laboratoire français Nephrotek, est le premier TROD homologué disposant du marquage CE à être disponible sur le marché français. Il s'agit d'un test rapide capable de détecter des anticorps anti-VHC dans le sang total, le sérum ou le plasma. Il suffit de prélever une goutte de sang au bout du doigt de la personne testée à l'aide de la pipette fournie dans le dispositif, puis de la mélanger à une goutte de diluant. Le résultat est obtenu en 15 minutes.Comme pour les tests de grossesse, la lecture se fait en fonction de l'apparition ou non de bandes colorées : une seule bande rouge quand le test est négatif ; deux quand il est positif. Le test TOYO®affiche d’excellentes performances en termes de sensibilité (100%), de spécificité (100%), valeur prédictive positive (100%) et de valeur prédictive négative (100%). Le test est ensuite validé par une sérologie réalisée au laboratoire.

 Maladie à virus de l’hépatite C

L’hépatite C est une maladie du foie causée par le virus du même nom. Longtemps silencieuse, l’hépatite C se manifeste plusieurs années après l’infection. Par conséquent, son diagnostic est généralement réalisé tardivement, lorsqu’elle est chronicisée et que ses complications ont déjà endommagé le foie. En l’absence de traitement, l’hépatite C risque d’évoluer vers la cirrhose. Mais même pendant la période « silencieuse », l’hépatite C peut être à l’origine d’une fatigue invalidante et d’une dépression pouvant altérer la qualité de vie. Elle est aussi associée à des comorbidités : insulino-résistance puis diabète, etc. Ce qui fait dire au Pr Christophe Hézode (Service d'Hépatologie et de Gastroentérologie CHU Henri Mondor, Créteil) : « si on est encore très focalisé sur le foie, mieux vaudrait parler de maladie à virus de l’hépatite C, en raison d’une augmentation de la mortalité extra-hépatique, notamment cardiovasculaire et par cancer ».

 

Avec les TROD, dépister « hors les murs »

Avec 232 000 personnes infectées en France mais plus de 80 000 personnes qui ignorent leur infection, il est important de renforcer le dépistage de l’hépatite C, notamment parmi les populations les plus exposées que sont les usagers de drogue et aussi dans d’autres populations moins bien identifiées. L’arrivée sur le marché français des TROD le permet. Simples et rapides, ils constituent un outil complémentaire aux tests biologiques, même si ces derniers restent la méthode de référence.

La Haute Autorité de Santé (HAS) reconnaît, en effet depuis 2014, l'intérêt de ces tests dans le dépistage du VHC pour les personnes à risque, éloignées des laboratoires d'analyse médicale. C’est-à-dire le cœur de cible de l’association HF Prévention qui a choisi d’aller « hors les murs » vers ces publics dits « invisibles » (voir notre article) que sont les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, dont les pratiques sont plus à risque de transmission du virus (voir encadré transmission). Dans les faits, cette association et d’autres n'ont pas attendu l'autorisation officielle des TROD VHC pour monter des programmes pilotes couplant les TROD VIH aux TROD VHC, et ce, dès 2011. Mais désormais, elles pourront les proposer dans un cadre légal, en tant que non-professionnels de santé formés, intervenant dans une structure de prévention ou associative, de même que les médecins, biologistes médicaux, sages-femmes, infirmiers, techniciens de laboratoire exerçant dans un établissement ou un service de santé (rappelons que les TROD ne sont pas remboursés).

Dépister pour traiter (ou pas) ?

Dépister oui, mais à condition de traiter tout le monde. D’autant que, depuis 2013 et l'avènement des AAD, le paysage de la prise en charge de l'hépatite C a connu rien moins qu’une « révolution », selon le Pr Jean-Pierre Bronowicki (Service d'hépato-gastro-entérologie, CHU de Nancy). Capables de guérir la pathologie dans la quasi-totalité des cas, les AAD, traitements courts et bien tolérés, peuvent transformer la qualité de vie des patients, un « miracle » selon le Pr Hézode « qui doit inciter à traiter l’ensemble des patients ». Et c’est là que le bât blesse. Aujourd’hui, le prix de ces médicaments (40 000 € pour des traitements de 12 semaines) constitue un frein majeur à leur diffusion. Remboursés par l'Assurance Maladie uniquement dans les formes les plus sévères, leur accès reste encore très limité, trop selon la grande majorité des hépatologues. « Il ne faut pas s’intéresser seulement aux patients qui ont une cirrhose sévère, considère le Pr Hézode, mais prendre en charge tous ceux qui ont une infection à hépatite C. » Même son de cloche des associations de patients : « En avril 2016, 80% des personnes dépistées ne pourront pas être traitées » s’indigne le Dr Pascal Mélin de « SOS hépatites ».


Transmission essentiellement par voie sanguine
L'hépatite C est transmise par le sang, soit par contact direct, soit par l'intermédiaire d'un objet contaminé. Jusqu'en 1992, les transfusions, les greffes, les interventions chirurgicales et les accouchements compliqués constituaient des situations à risque ; désormais, ce risque est désormais quasi nul.

La transmission du virus de l'hépatite C par voie sexuelle se limite, quant à elle, aux personnes ayant des rapports sexuels vaginaux ou anaux dit "traumatiques", pendant les règles, avec des partenaires multiples et/ou co-infectées par le VIH ; celle de la mère à l'enfant avoisine les 5 %, principalement pendant l'accouchement.

Aujourd'hui, la principale source de contamination reste l'usage de drogues par voie intraveineuse. « Le virus de l'hépatite étant, contrairement au VIH, très résistant, les seringues infectées, évidemment, mais aussi le petit matériel souillé partagé entre toxicomanes (cuillère, coton imbibé, paille pour sniffer...), peuvent transmettre le virus » a précisé le Pr Jean-Pierre Bronowicki (CHU de Nancy).

Eradiquer grâce au « test and treat »


 "Il faut passer d’un dépistage ciblé sur les facteurs de risque à un dépistage de population" Pr Hézode

Idem pour les indications du dépistage. Edictées en 2014, elles ciblent uniquement les personnes à risque, en particulier les usagers de drogues injectables, même si le rapport d'experts remis la même année par le Pr Daniel Dhumeaux, préconise d'élargir le dépistage à d'autres catégories de la population générale (femmes enceintes dès la première consultation prénatale, hommes âgés de 18 à 60 ans, indépendamment d'une quelconque exposition à un risque), afin de permettre une prise en charge plus précoce.

Des indications bien trop restrictives selon le Pr Hézode :« Il faut passer d’un dépistage ciblé sur les facteurs de risque à un dépistage de population. On pourrait même envisager, grâce aux TROD, un dépistage systématique des 3 virus (VIH, VHB, VHC) 1 fois dans la vie». Avec l’espoir, à terme, d’éradiquer l'infection dans les toutes prochaines années. « Si on ouvre le dépistage et que l’on donne accès au traitement à tous, selon le modèle du « test and treat », on peut espérer éradiquer l’hépatite C en France dans 6 ans » pronostique l’hépatologue. En conclusion, comme l’affirme le Dr Mélin « les TROD n’ont de sens que si l’on peut traiter derrière ». Face à ces attentes, des annonces gouvernementales sont attendues le 25 mai, date de Journée nationale de lutte contre les hépatites virales.

La conférence a été organisée par HF Prévention avec le soutien financier du laboratoire Gilead.


REFERENCE :
HF Prévention. Hépatite C : renforçons le dépistage grâce aux TROD VHC. Conférence de presse du 12 avril 2016.



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