La Gazette Santé.sociale.fr - 17 janv. 2014
Pour les buveurs excessifs, l'accès aux soins paraît insuffisant. En cause, notamment, le manque de coordination des professionnels...
L'alcool en France n'est pas qu'une question d'art de vivre et de grands crus : il provoque près de 49 000 décès par an. Malheureusement pour les quelque 5 millions de buveurs à risques - dont presque 2 millions d'alcoolo-dépendants - il reste difficile de savoir « où s'adresser, et comment être pris en charge », relève Alain Corvez, directeur général adjoint de l'agence régionale de santé (ARS) Midi-Pyrénées.
Ce constat introduisait une table ronde sur le « parcours de soins de la personne malade de l'alcool », le 16 janvier 2014, à Paris - à l'invitation d'un groupe de réflexion transversal sur l'alcoolo-dépendance, Apollin'ère.
De fait, les prises en charge des buveurs excessifs paraissent peu nombreuses : en 2010, à peine 140 000 personnes avaient été reçues pour un problème principal d'alcool, dans les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) - d'autres étant certes suivies par des médecins de ville. En parallèle on comptait plus de 90 000 séjours hospitaliers consécutifs à des ivresses sans complications, comme le rapporte l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies...
Rémunérer
Comment donc rendre plus fluide les parcours de santé de ces malades chroniques ? Les participants de la table ronde ont bien des suggestions à faire en vue de la loi de santé publique promise pour 2014. « En ville, il faut matérialiser les équipes de liaison à la disposition du patient, et rémunérer leur coordination », propose Marie-Josée Augé Caumon, pharmacienne et présidente d'un Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques (Caarud) de Montpellier, « Réduire les risques ». Le Dr Claude Leicher, président du syndicat MG France, acquiesce : « Il faut organiser les soins de premier recours, avec les médecins, les pharmaciens, mais aussi les dispositifs médico-sociaux » - et de souligner qu'on « ne peut pas construire un système de santé sur le bénévolat » de la coordination...
Réduction des risques
Vice-président de la Fédération addiction, Jean-Michel Delile rappelle néanmoins un précédent encourageant : dans les années 90, avec les héroïnomanes, la révolution de la réduction des risques et de la substitution « a permis de fluidifier les parcours entre le premier recours et les centres spécialisés ». Seringues propres et méthadone ont mené nombre de ces malades chroniques vers la prévention et les soins. Or un tournant similaire s'opère pour les buveurs problématiques. D'une part, « la médecine a changé de paradigme » : en alcoologie, le dogme de l'abstinence drastique est désormais remis en cause par le concept de réduction des risques, une simple diminution de la consommation devenant un objectif concevable pour les professionnels.
D'autre part, avec la découverte de l'efficacité du baclofène contre l'alcoolo-dépendance, « les patients sont sortis de partout pour demander ce traitement » ! De quoi espérer un meilleur accès aux soins des buveurs à risques dans les prochaines années. Ce qui n'en impose pas moins de mener à bien « un décloisonnement entre le premier recours et les centres spécialisés, entre le sanitaire et le médico-social, et entre le sanitaire et le social », conclut Jean-Michel Delile... Pour une maladie aux facteurs et aux effets aussi variés, la coopération des professionnels s'impose comme une évidence...